Credibilité
Qu'est-ce qu'une parole crédible, aujourd'hui ? Une parole qui ressemble à celle d'Etienne Chouard. Une parole qui s'affiche humble. Qui ose dire : «Si c'est trop compliqué, si je n'y comprends rien, je ne signe pas.» Avec ses vingt mille messages par jour, Chouard crée autour de lui un bouillon d'adhésion, de la même manière que tous les autres (Chirac, Fabius, Poivre, Fogiel, et même les panels savamment écrémés de la laiterie Sofres) créent un halo de défiance. Cette semaine par exemple, on voyait Jacques Barrot, commissaire européen aux Transports, transpirer à grosses gouttes sur LCI en assurant que son projet de directive sur l'introduction de la concurrence dans le transport ferroviaire n'a rien à voir avec la présentation du syndicat SUD rail, et qu'il n'est pas un Bolkestein français. Mais rien à faire. Plus Barrot parlait, plus on croyait voir son nez s'allonger (même si cette impression était trompeuse).
Cette redistribution de la crédibilité peut être dangereuse. Tous les experts ne sont pas des escrocs. La vérité ne sort pas forcément de la bouche des amateurs. Et peut-être, à l'extrême limite, Etienne Chouard n'existe-t-il pas, puisqu'on ne connaît de lui qu'un site Internet (alors que l'on est à peu près certains de l'existence réelle de Jacques Barrot). Mais c'est ainsi. Et le big bang en cours, qui n'en finit pas de rééquilibrer Internet au détriment des médias traditionnels dans l'économie générale de la crédibilité, va accentuer le phénomène. Autrement dit, la parole nonienne que doivent aujourd'hui oser affronter les ouistes, c'est celle d'Etienne Chouard, celle qui marmonne toute seule dans son coin que ce traité est bien trop compliqué pour être honnête. Toute seule dans son coin, mais dans l'oreille de la France entière. Encore autrement dit, si Mougeotte, Poivre et Chirac n'ont jamais entendu parler d'Etienne Chouard, c'est plutôt eux que cela devrait inquiéter.
Daniel Schneidermann
http://www.liberation.fr/page.php?Article=289719
Merci à F.L. (Un type qui ne se lasse pas de me faire lire des articles de Libé)
Je vous posterais bien quelques arguments 'nonistes', aussi - parce que là on dirait que j'ai un avis, non ? - mais ce sera pour plus tard. Et après je me retire de la scène politique, je sens que je fais de l'ombre. Mais si, mais si.