Dernier ressort
Si les herbes folles du jardin n'avaient pas poussé depuis ma dernière
visite, j'aurais pu croire ce lieu complètement hors du temps. Les
pluies de moussons qui se poursuivaient depuis plusieurs jours avaient
recouvert les feuillages d'un vernis vert luxuriant, et les racines par
terre répandaient une odeur sauvage. Au milieu de cet océan de verdure,
l'oiseau de pierre se dressait dans la même position que l'autre jour,
les ailes ouvertes, prêt à s'envoler. Mais naturellement, il n'y avait
pas la moindre probabilité que cela arrive. Je le savais, et l'oiseau
aussi. Figé dans cette posture, il attendait simplement d'être emporté
quelque part, ou détruit : c'était là ses seules possibilités de sortir
du jardin. La seule chose qui bougeait dans ce paysage était un
papillon voletant ça et là, avec l'air du type qui cherche quelque
chose mais qui a fini par oublier quoi. Après avoir fureté en vain
pendant cinq minutes, il s'envola ailleurs.
(Extrait des p.82-83 de l'édition présentée)